Ann Bartok et Olena Kassian sont les artistes qui forment le duo BARKAS ; deux créatrices de Toronto qui collaborent sur des projets et des installations sculpturales à grande échelle. Le jour où je les rencontre dans leur atelier, elles sont à l’œuvre sur une grande sculpture murale intitulée Flamboyant. L’œuvre est composée d’une multitude de pièces fabriquées individuellement à l’aide d’un processus laborieux qui consiste à créer une pâte de bois et de pigment, les façonnant dans différentes formes, puis les ajoutant pièce par pièce pour former la plus grande composition. Flamboyant est une déclaration de l’intensité du pigment rouge, ce nuage écarlate évoquant le mouvement et le vol.
Il est rare de rencontrer deux artistes qui collaborent ensemble. C’est une première pour moi. Les artistes que je présente normalement sur le site décrivent un processus créatif interne. Pour BARKAS, c’est dans le dialogue partagé que débute le flux créatif. Elles se sont rencontrées en 2012 dans un espace de travail mixte et une lien instantané s’est rapidement transformé en une belle amitié. Ann est alors invitée par une amie designer au Brésil à se rendre là-bas pour réparer le travail d’un autre artiste. Elle accepte si Olena peut l’accompagner. Son expérience avec la technique du Papier-mâché est nécessaire pour la réparation, mais en utilisant des techniques jamais essayées auparavant, les deux femmes déclenchent un processus créatif nouveau et étonnant.
Leur collaboration et leur amitié créer un lien profond au fil des ans; le soutien qu’elles se donnent l’une à l’autre ainsi que l’énergie et l’enthousiasme qu’elles projettent les maintiennent dans un le flux créatif. Ann me confie que lorsqu’elle a rencontré Olena, elle se retrouvait dans un moment sans direction claire de sa pratique artistique. Cette rencontre l'amena à de nouveaux niveaux de créativité. Il existe une telle complicité entre les deux femmes qu’elles partagent souvent les mêmes idées allant jusqu’à terminer les phrases de l’autre dans leur conversation.
Avant cette rencontre, les deux femmes étaient des artistes accomplies; chacun ayant crée sa propre voie dans divers domaines créatifs. Ann est née en 1941 en Angleterre où elle a étudié et travaillé comme artiste avant d’arriver au Canada. Elle a établi son studio à Toronto, recevant des commissions commerciales partout au Canada, aux États-Unis et en Amérique du Sud. Son expérience est vaste et polyvalente. C’est une artiste multimédia, travaillant avec n’importe quel support nécessaire pour créer son travail : bronze, fibre-verre, papier mâché, béton, acier et aluminium, ainsi que des peintures murales 3D et des mobiles magiques. Ses pièces varient en tailles de quatre pouces à trente pieds de hauteur.
Olena est née en 1947 à Munich dans un camp de personnes déplacées après la guerre. Elle est venue au Canada quand elle était enfant. Les premiers travaux d’Olena ont été en tant qu’illustratrice dans l’animation, l’édition et la publicité. Elle a publié 16 livres pour enfants. Une fois avoir pris sa retraite du travail de publicité, elle a continué à développer sa pratique d’art et a commencé à exposer des images faites à l’aide de graphite en poudre et culminant dans des boîtes d’ombre translucides à grande échelle. Il y a une boîte d’ombre monumentale dans le studio. La lumière brille à travers les objets recueillis à l’intérieur, rayonnant de lumière tout en gardant le mystère de ce qui est à l’intérieur.
Leur pratique met l’accent sur les matériaux trouvés et réutilisés; Elles trouvent souvent le concept dans le matériau lui-même. Elles visitent des dépôts de recyclage de Toronto pour la ferraille et les restes de matériaux de construction. Elles s’intéressent de plus en plus aux projets de grande envergure impliquant le métal. Le travail de pâte de bois et de pigment n’est disponible qu’à la commission en raison du processus incroyablement laborieux que nécessite la création de chaque œuvre.
Quand je rencontre Olena Kassian et Ann Bartok en 2014, elles vivent une année record de commandes . L’exposition de leurs œuvres chez IDEX à Toronto en 2012 a donné lieu à plusieurs commandes : d’abord pour l’hôtel Le Germain à Toronto, puis plusieurs commandes au Brésil et en Colombie.
Nous passons un après-midi à parler de leur travail et notre conversation touche à plusieurs sujets. Je leur dis que j’ai du mal à accepter que je suis désormais une artiste dans la cinquantaine... Elles éclatent de rire... Tu n’es qu’au début de ta maturité artistique. Tu sais enfin qui tu es, ta vision devient claire. Je trouve ces mots à la fois réconfortants et encourageants.
Je crois énormément à l’importance du mentorat et je suis reconnaissante de m’entretenir avec Olena et Ann. Ce sont des artistes féminines chevronnées qui continuent d’évoluer et de grandir. Je m’identifie aux histoires qu’elles partagent avec moi, de poursuite créative à travers le mariage et les enfants. Je m’inspire des récits des années 1970, alors que les domaines créatifs marginalisaient encore les femmes, leur persistance malgré les loyers de plus en plus hors prix à Toronto et leur lutte maintenant de créer à l’époque de la Covid.
J’organise une conférence téléphonique en décembre 2020 pour pouvoir mettre à jour nos conversations. Nous sommes restés en contact au cours des 6 dernières années. Elles ont participé à Le Soulfood Hudson et Le Soulfood Toronto et nous avons travaillé ensemble sur une commande pour The Hilton à Toronto l’an dernier.
Olena me dit avec un clin d’œil que devenir artiste est clairement un signe de folie. Pourtant, elles ont réussie pendant des décennies à maintenir leur pratique, ayant payé maintes et maintes fois leur due. Mais, cette année a été exceptionnellement difficile. Elles veulent maintenant créer des sculptures monumentales mais pendant une pandémie il est difficile sinon impossible de convaincre les promoteurs immobilier de prendre une chance sur des concepts abstraits. Elles partagent le sentiment que la civilité s’érode chez les gens. Olena décrit cette civilité en bonté formalisée. Malgré tout ces obstacles, elles ont installé trois grandes sculpture dans le hall de la tour au 60, rue Bloor Ouest à Toronto. Un moment heureux parmi une année terrible.
Après des décennies, un noyau solide et une intelligence éveillée apporte humilité et clarté au processus d’Ann et Olena. Quand je plaisante avec Olena qu’elles enfin arrivées (au succès). Elle rit de son beau rire et me dit... La vie d’un artiste est une montagne russe... Ce qui monte, finit par descendre et ainsi de suite .... Qu’est-ce ça veut dire d’arriver de toute façon ? Je continue de travailler dans la poursuite d'un jour arriver .... c'est un processus sans fin.
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