Le contre plaqué redevient un arbre. Ses panneaux la forêt. À nouveau le temps en est suspendu. Ce qui finissait et mourait dans les ténèbres ne dessinait aucun contour précis. Ce n’étaient qu’éphémères et fugitives apparitions.

L'univers de Zoé Ouvrier est habité de forêts, de rhizomes, d’oiseaux et d’arbres où les branches et les racines partagent le même espace. Les formes sont organiques et asymétriques; chaque panneau méticuleusement sculpté dégage un sentiment d'apaisement et d'équilibre,  en même temps raffiné et minimaliste.

Elle explique que son travail est à la fois ancré dans des traditions de gravure sur bois qui datent de plusieurs siècles et sa propre découverte lors de ses études à l'École Nationale Supérieure des Beaux-arts de Paris que la matrice utilisée pour créer la gravure était finalement le matériel avec lequel elle ressentait le lien le plus fort. La matrice devient en fait le produit final. Elle est émue par la texture du bois et ressent une connexion plus profonde et plus tactile avec le matériau. Elle ne prétend pas avoir découvert une nouvelle technique mais plutôt l'avoir modifiée et adaptée à sa vision.

Dès que j'ai commencé à sculpter, tout avait du sens. Mon geste a donné un sens à la vie. J'ai remplacé l'arbre dans son élément d'origine et lui ai redonné l'occasion de s'exprimer.

Je la rencontre dans son atelier parisien. Des projets sont en cours, dont plusieurs commandes. Elle crée des panneaux individuels ainsi que de grandes cloisons et des meubles. Une pièce particulièrement magnifique est visible sur son site Web. C’est une commode coulée en bronze liquide. Plusieurs commandes d'hôtels de luxe en France et en Asie sont également spectaculaires. Elle travaille principalement seule, mais lorsque les pièces commandées sont monumentales, elle doit rassembler  une équipe, souvent des étudiants en art qui bénéficient de l'expérience d'aider l'artiste à compléter sa vision. 

Elle commence chaque projet en le dessinant d'abord. Elle le reproduit ensuite sur le bois à l'aide de craie puis commence à sculpter. Le travail est minutieux mais en même temps physique. Elle se perd dans le rythme de la sculpture, qui devient une méditation quotidienne. Le temps passé sur chaque pièce est incalculable. Elle maîtrise cette technique de sculpture qu'elle perfectionne depuis plus de 20 ans.

Je dessine au couteau les nervures du bois.
Découper sa chair est, pour moi, comme donner la vie.
Mon oeuvre me fait revenir à l’univers de mon enfance.
Dénudés les arbres m’emmènent à l’idée du feu,
A la gestation de la terre, à l’apparition des corps.
Telle une écorchée, je m’identifie au bois.
L’inciser me rend à la matrice de la vie,
A l’humanité.

Son travail rappelle le mouvement Art Nouveau populaire à la fin du XIXe et au début du XXe siècle. Les artistes de ce mouvement s'inspiraient des formes naturelles, cherchant à briser la distinction entre les beaux-arts et les arts appliqués à travers l'artisanat et les beaux matériaux. Les panneaux me rappellent aussi les estampes japonaises ukiyo-e où l'espace est aplati et il n'y a pas d'illusion de profondeur. J’admire ce travail exquis qui rempli à la fois une vision artistique et une demande esthétique  cherchant à embellir le quotidien.

Après avoir vécu et travaillé à Paris pendant de nombreuses années, Zoé a récemment déménagé dans le sud de la France avec sa famille, pensant qu'elle ferait des allers-retours à Paris mais la crise de la Covid a frappé et finalement, elle est reconnaissante d'être entouré de la nature et de la lumière de Saint-Paul-de-Vence, loin des tristes défis que les parisiens doivent affronter ces jours-ci.

Le travail de Zoé a été exposé dans le monde entier, dans des galeries d'art et dans de grandes expositions. Elle expose actuellement à Method & Concept à Naples, en Floride avec son mari, l’artiste et designer Arik Levy dans une exposition intitulée Beyond Nature. C'est la première fois que son travail est présenté aux États-Unis.

zoeouvrier.com